Faciliter l’accès au financement inclusif et la mise en marché collective des produits agricoles en vue de l’amélioration des revenus des acteurs économiques, c’est entre autres le but visé par le programme Approche Communale pour le Marché Agricole (ACMA2) en développant le warrantage. A quelques semaines de la fin du Programme, Rassidatou Moustafa, la spécialiste en warrantage nous fait le bilan des actions menées.

Le diagnostic fait par le programme ACMA2 dès sa mise en œuvre a révélé que le warrantage pourrait être un mécanisme d’atténuation des difficultés auxquelles les acteurs étaient confrontés dans l’exercice de leurs activités. Il s’agit, notamment de l’accès aux financements qui représente un besoin crucial pour ses acteurs (producteurs, transformateurs et commerçants) des Pôles d’Entreprise Agricole (PEA). Un besoin difficilement satisfaisable au regard des conditions d’accès et des nombreux processus à suivre pour l’obtention des prêts auprès des Systèmes financiers décentralisés (Sfd). En fait, peu sont, par exemple les acteurs qui possèdent une pièce d’identification. Aussi sont-ils, pour la plupart dans l’incapacité de garantir le remboursement des prêt à contracter par un bien. Ainsi, le warrantage s’est révélé comme étant une opportunité pour ces derniers d’accéder plus facilement aux crédits, car offrant déjà une garantie. D’ailleurs, le fait que la garantie pour accéder au crédit soit un produit agricole, représente un grand atout pour ses acteurs.
En outre, l’autre difficulté des acteurs était relative à l’atomisation de l’offre qui ne leur permettait pas de constituer une force de vente pour accéder aux marchés rémunérateurs ou satisfaire les grosses commandes puisqu’ils travaillaient de façon individuelle. Ce qui réduisait leur pourvoir de négociation vis-à-vis des acheteurs et leur marge bénéficiaire. En somme, l’intérêt du programme à développer ce système est de faciliter l’accès au financement agricole de ses bénéficiaires.
Quels sont les produits concernés par le warrantage ?

D’abord, le warrantage est un système de crédit qui permet aux producteurs et à leurs organisations de mettre en garantie un produit agricole d’entreposage facile pour bénéficier d’un crédit auprès d’une institution de microfinance. En ce qui concerne les produits warrantés,
Le programme ACMA2 a travaillé sur 07 spéculations à savoir : le maïs, le soja, l’huile de palme, le manioc et ses produits dérivés (gari, tapioca, etc.), le piment, le poisson et l’arachide et ses produits dérivés. Parmi ces produits, ceux répondant aux exigences du warrantage et sur lesquels l’expérience de ACMA2 a porté sont au nombre de 04 : il s’agit du maïs, du soja, de l’huile de palme et du piment séché. Le warrantage a été facilité au niveau des 04 départements d’intervention du programme à savoir l’Ouémé, le Plateau, le Zou et les Collines au Sud -Bénin.
Le warrantage, pour quels résultats ?
Le warrantage a été développé au niveau de 21 PEA dont 09 PEA huile de palme, 07 PEA maïs, 02 PEA soja et 03 PEA piment. En termes de statistiques, le warrantage a impacté près de 2500 acteurs PEA dont 40% de femmes et 24% de jeunes. Le crédit warrantage bénéficié par ces acteurs auprès des Sfd s’élève à 1 milliard 530 millions de FCfa. Nous avons jusqu’au mois de juin 2022 enregistré 7.000 tonnes (t) de stock de produits warrantés et commercialisés dans l’ensemble dont près de 4500t pour l’huile de palme et 2500t pour le maïs, le soja et le piment. Le chiffre d’affaires réalisé par les PEA engagés s’élève à près de 2 milliards 200 millions francs CFA.
Avec les difficultés d’accès au marché du Nigeria dues à la fermeture des frontières, les acteurs PEA ont été accompagnés dans la diversification des marchés d’écoulement des produits warrantés. Ce qui leur a permis d’intégrer les marchés institutionnels. A titre illustratif, les producteurs de Djidja ont livré 200 tonnes de maïs au Programme Alimentaire Mondial (PAM). C’est ainsi qu’une autre expérience a également été vécue pour l’huile de palme avec l’Industrie Béninoise des Corps Gras (IBCG).
Par ailleurs, un manuel de procédures muni de boîte à outils pour la gestion des campagnes de warrantage a été mis à la disposition des PEA engagés depuis 2019. De plus, un outil digital a été également mis en place pour le suivi de l’opération de warrantage au niveau des différents sites. Ces outils servent de boussole dans la conduite des campagnes et facilitent la traçabilité des données et la transparence dans la gestion de l’opération.
Quels acquis pour le programme ACMA2 ?
Parlant d’acquis, au moins 14 PEA se sont bien appropriés le mécanisme de warrantage et sont autonomes dans l’organisation des campagnes, et ce depuis 2019. On note également un fort engouement des Sfd dans le financement du crédit warrantage. En dehors des Sfd partenaires du programme ACMA2 (ALIDé et UNACREP), d’autres Sfd intervenants dans les communes bénéficiaires se sont intéressés au warrantage, vu tout l’accompagnement apporté aux acteurs PEA, notamment la mise en place des infrastructures répondant aux normes ; la restructuration des coopératives à la base et des unions communales ; le système de gestion mis en place pour le fonctionnement autonome de ces infrastructures ; les formations ; etc.). Car, le warrantage permet de toucher facilement les petits producteurs et transformateurs qui, à priori étaient non éligibles à leurs services financiers.
D’autre part, l’inclusion de ces petits acteurs a été surtout facilitée par l’introduction d’un autre type de crédit dénommé « crédit fonds de roulement », octroyé surtout aux femmes et aux jeunes par les Sfd en amont au processus de warrantage. Ce type de crédit a conduit au renforcement du système et à l’inclusion de cette couche sensible dans le système de warrantage.
« Sans ACMA2, le système de warrantage va toujours se poursuivre parce que les acteurs PEA et SFD y trouvent leurs intérêts et conduisent de façon autonome les campagnes de warrantage sans l’appui du programme ».
Rassidatou Moustapha
Quels sont les impacts ?

Comme évoqué précédemment, en termes d’impact, le warrantage a facilité l’accès aux crédits formels des Sfd aux acteurs PEA notamment les acteurs de moindre capacité financière, autrefois, exclus des systèmes financiers formels. Aussi a-t-il permis, sur le plan économique aux acteurs d’éviter le bradage de leurs produits et d’avoir recours aux usuriers. Grâce au warrantage, la qualité des produits agricoles mis sur le marché s’est améliorée avec l’introduction des normes de qualité au cours des stockages des produits. Ceci a entraîné l’augmentation du volume de vente de leurs produits, favorisant, par la même occasion l’accroissement de leurs revenus.
Le warrantage a de même contribué à la réduction des coûts de transaction pour les acheteurs parce qu’il permet de stocker d’importantes quantités en un seul endroit. De même, il facilite la tâche aux collectivités locales (mairies) en ce qui concerne la collecte des taxes de contribution au développement local.
Anicet SEMASSA