“À partir du 31 décembre 2024, plus aucun œuf, plus aucun poulet congelé ne va rentrer au Bénin. Ça veut dire que nous n’allons plus en importer. Nous allons développer notre filière poulet bicyclette… ” Le Ministre de l’agriculture de l’élevage et de la pêche, Gaston Cossi Dossouhoui, a encore frapé. Une annonce devenue virale sur les médias sociaux et qui entretient assez de commentaires…
Qui pour louer l’initiative, qui pour relever des insuffisances, qui encore pour déprécier la forme. En effet, c’est au cours d’une rencontre d’explication, lundi 17 avril 2023, qu’il a eue avec les producteurs de soja à Doumè (Savalou/Collines) que le Ministre Dossouhoui a fait l’annonce. Et tout comme c’est le cas par exemple de l’interdiction d’exportation de soja, producteurs et Cie ont été pris au vif.
Pour une telle annonce, estime un observateur, il aurait fallu un canal formel comme le Conseil des ministres. Par ailleurs, d’après nos sources, aucune rencontre, concertation n’a été tenue avec les aviculteurs pour échanger autour de la nouvelle donne. Qu’en sera-t-il du prix de cession de l’œuf, du poulet bicyclette ? En sera-t-il des aviculteurs comme des producteurs de cajou qui bon gré mal gré ont dû adopter le prix imposer par le gouvernement ?. Des interrogations qui fondent les débats.
“Une annonce sortie comme ça ! Quelle évaluation de notre capacité à assurer la consommation intérieure puis à exporter au besoin ?” ; “Délai court en terme d’investissement et d’organisation de la filière elle-même, délai court en terme d’ajustement des filières connexes pour ajuster l’interdependance”, ont confié des avertis du secteur.
Dans le lot, certains appréhendent une monopolisation future de la filière. En réalité, il ne s’agit pas, à les écouter, de la quête pour une souveraineté alimentaire. Encore moins d’un intérêt soutenu pour les éleveurs de volailles qui avec cette décision n’auront plus à craindre la concurrence des œufs et poulets importés et pourront vendre. Pour ceux-ci, c’est plutôt un business d’un conglomérat d’hommes, alertent-ils. Selon des indiscrétions, des fermes sont déjà mises sur pied à l’intérieur du pays et prêtes pour le job.
Un défi à relever
“J’ai comme l’impression que nous aimons souvent une chose et son contraire. Même si c’est demain le délai, commençons avec le disponible et cela va nous booster à faire mieux. C’est une décision que nous autres aviculteurs attendions depuis. Quelles que soient les limites de la décision, il faut y aller et ajuster avec le temps. Mieux vaut commencer un jour quelque part”, commente un éleveur de volailles qui laisse place à un autre. “Si on considère la vitesse à laquelle les choses avancent habituellement dans nos pays, oui le délai est court. Mais s’il met en place des mécanismes smarts, il pourra atteindre l’objectif très très rapidement car le cycle de production de poulet est relativement très court”, renchérit ce dernier.
Une toute autre source estime quant à elle, qu’une telle décision est en faveur de la souveraineté alimentaire. “Toutes grandes nations productrices de quoi que ce soit doit passer par là avant de prétendre être autonome. Cette décision est un défi lancé aux acteurs de la filière. Ils vont s’organiser et relever ce défi”, pense-t-elle. Selon certaines relations, toutes les filières de consommation intérieure rêvent d’une telle décision.
Le développement du poulet bicyclette au Burkina-Faso, confie un aviculteur, est le fruit d’une telle décision. N’en demeure, fait-il entendre qu’il faut que le gouvernement propose un mécanisme d’accompagnement de la production du poulet local. Puisqu’en principe, avec cette échéance, on devrait être déjà dans une transition. Vu que ce n’est pas qu’une affaire des producteurs, d’éleveurs de volailles. C’est justement toute la chaîne.
Fênou ADELEKE