En raison de sa vulnérabilité face au changement
climatique, le Bénin se bat pour accéder à des financements pour des projets
résilients. Sauf que, accéder à la finance verte n’est pas aussi aisé. L’Etat
s’y met pour dynamiser l’entité nationale accréditée au Fonds Vert, pendant que
la société civile révèle des couacs.
Enquête.
A Cotonou, la nouvelle de l’accréditation du Fonds
national pour l’environnement et le Climat, le 28 février 2019 par le Fonds
Vert pour le Climat est presque passée inaperçue. Derrière ce silence, les
acteurs ont beaucoup à dire, mais préfèrent murmurer tout bas. A l’autre bout du bout du
fil ce lundi, un membre de la société civile verte nous accueille à ce sujet
sur un air dubitatif. « Nous avons assez parlé. Je ne sais pas ce que mes
déclarations vont pouvoir changer », confie-t-il. Pourtant, une accréditation
par le Fonds Vert pour le Climat est une véritable opportunité, dans un
contexte où le Groupe International des Experts sur le climat (Giec) prophétise
de grands bouleversements alors que les
financements se raréfient. Mawussé Hountondji, Directeur Exécutif de Jve-Bénin y voit une chance
pour la prévention, la réparation, la réduction des risques et catastrophes
liés au climat. « Notre pays peut accéder directement à ces ressources qui sont
disponibles pour la protection de notre environnement et l’investissement dans
l’économie verte», confie-t-il.
A
la quête de moyens colossaux
Au Bénin,
les émissions totales des Gaz à effet de serre s’établissent à environ 14,1
Méga tonne Equivalent-CO2 (Mt ECO2), soit environ 1,5 tonne E CO2 par habitant
en 2012. Et si rien n’est fait, on pourrait assister à un taux d’accroissement
de 172,8 % sur la période 2012-2030 en évoluant de 14,1 Mt E-CO2 à 38,5 Mt
E-CO2. De nombreuses mesures d’atténuations sont donc identifiées. Selon les
contributions déterminées nationales (CDN) qui datent de 2017, il faut entre
autres des techniques culturales améliorées sur 500.000 ha / an, des techniques
de maintien de la fertilité des sols sur une superficie de 500.000 ha / an, l’aménagement
et l’irrigation de 52.000 ha de périmètres rizicoles avec maîtrise de l’eau. Un
arsenal de mesures d’adaptations a été aussi identifié pour de moyens
colossaux. « Au total, les
ressources financières à mobiliser pour la mise en œuvre des mesures
d’atténuation et d’adaptation au titre de cette première CDN du Bénin s’élève
globalement à environ 11637,02 millions de dollar US devant provenir de fonds
publics, du secteur privé et d’appui international », lit-on dans les CDN.
En sa qualité de représentant de la société
civile au Conseil d’administration du Fnec, Saïd Hounkponou, prend la mesure
des enjeux. « En tant que pays vulnérable pauvre, notre défi majeur c’est
l’adaptation au changement climatique. Le fait que notre entité nationale ait pu
se faire accréditer est une bonne nouvelle pour la communauté locale vivant les
affres du changement climatique. Maintenant, c’est une victoire certes mais
c’est un pas ».
Des
couacs
Une accréditation, des opportunités. Mais pour y
accéder, c’est la croix et la bannière. L’accès à la finance verte a ses
réalités, ses exigences, toutes aussi complexes que le phénomène de changement
climatique. Et c’est ce qui semble justifier la réticence de certains acteurs. José Dossou-Bodjrènou, Directeur de l’Ong
Nature Tropicale déplore le fonctionnement de l’institution et souhaite plus d’objectivité
et plus de transparence dans la procédure de financement des projets : « Qu’avons-nous
obtenu d’une accréditation antérieure ? Il faut qu’on fasse le bilan pour revoir
les choses et mettre l’accent sur le financement des initiatives locales pour
plus d’impacts ».
Certains finissent par reconnaître qu’il y a des
états d’âmes de part et d’autres et qu’il urge de rétablir la confiance. « À
tort ou à raison, certains ont été déçus par les prestations passées du Fnec,
par les processus selon lesquels l’Etat vous demande d’apporter des projets à
soumettre pour capter du financement qui vous sera reversé. D’où la méfiance et
la guéguerre qui fait que même quand il y a du sérieux, les uns et les autres
sont réticents. Je crois que c’est le moment de récupérer notre place pour que
cette entité accréditée puisse mettre en place le mécanisme qui permettra aux
Ong d’accéder aux ressources du Fonds vert», déclare Mawussé Hountondji.
De par sa position au Conseil d’administration du
Fnec, Saïd Hounkponou comprend les inquiétudes de ses pairs, puis se veut lui
aussi rassurant : « Par le passé, le Fnec a été accrédité au Fonds
d’adaptation. Mais sur les 5 ans, il n’y a pas eu de projet financé. Donc,
au-delà d’une accréditation, c’est un défi qui nous est tous lancé pour une
stratégie vraiment opérationnelle et d’identification des besoins réels, des
promoteurs capables de pouvoir élaborer des projets d’adaptation de qualité
pour accéder au financement ».
Des
études pour optimiser les chances
Des témoignages et des confidences, il se dégage qu’il
faut un nouvel élan pour l’institution accréditée. Le Directeur Général du Fnec
en est conscient. Mais un changement de l’intérieur ne pourrait suffire à
capter directement le fonds vert.
Coordonnateur de l’Ong Actions Plus, Maixent Ogou
voit les goulots d’étranglement d’une autre manière. Pour lui, le Bénin n’était
pas suffisamment préparé. « Il y a un travail préalable à faire dans le
pays. Les actions à soumettre doivent respecter un certain nombre de normes.
Or, les études préalables ne sont pas toujours disponibles. Il faut donc
beaucoup de moyens pour démontrer le lien avec le climat. Si vous restez dans
la généralité, ce n’est pas évident que les dossiers soient acceptés », s’inquiète-t-il.
Le rapport du GIEC 2018 révèle que limiter le
réchauffement à 1,5°C va coûter plus de 2,4 milliards de dollars, soit 2,5 % du
PIB mondial. Les besoins de financements sont mondiaux, et le Bénin est aussi
sous pression. « Il y a donc un problème de documentation et de données à
régler. Aujourd’hui, des efforts sont faits. Il y a quelques études qui
ont été réalisées avec le Pas-Pna mais il reste à les étendre sur tout le
territoire. Il faut continuer à se battre pour que les initiatives puissent
s’inspirer de ces études et que les canevas soient respectés. C’est ainsi que
cette accréditation pourra nous profiter », ajoute-t-il.
De son côté, Saïd Hounkponou semble s’aligner
aussi sur cette proposition, avec quelques nuances près. Le Directeur Exécutif
de Idid Ong propose que les expertises soient mises à contributions. A l’en
croire, dans différents secteurs, on se rend compte qu’il y a très peu
d’évidence scientifique sur la vulnérabilité concrète. « Jusqu’à l’échelle
internationale, lors de l’évaluation des projets, vous devez démontrer par des
chiffres comment se manifeste la vulnérabilité aux changements climatiques. Mais, il y a des
données qui manquent. Je pense que nous avons de l’expertise qui est sous
exploitée par rapport à l’élaboration des projets », martèle le
représentant de la société civile au Fonds national pour l’environnement et le
climat.
Raccourcir
les chemins
Sur les épaules de la nouvelle institution accréditée
par le Fonds Vert pour le Climat, pèse de défis majeurs. Il faudra trouver
le moyen de faire accéder des ressources pour le financement des projets, au
niveau national et dans l’ensemble des secteurs. « Il faut que soient
présentées aux acteurs au niveau départemental et communal les opportunités
qu’offre le Fnec à travers le Fonds vert. De sorte que des agences
gouvernementales puissent mobiliser et rédiger des projets à soumettre. Il
faudrait qu’il y ait une task force d’experts pour des projets liés à
l’atténuation et à l’adaptation. Il faut briser la glace avec les Ong qui sont
réticentes et rétablir la confiance », propose Mawussé Hountondji.
De toutes les façons, ce ne sont pas les besoins qui manquent,
encore moins les idées de projets. Dans le cadre du processus d’approbation
simplifiée (SAP), 9,0 millions USD ont été obtenus du Fonds Vert le 28 février
2019 pour l’amélioration de la résilience au climat des communautés rurales du
centre et du nord du Bénin grâce à la mise en œuvre d’une adaptation basée sur
les écosystèmes dans les paysages forestiers et agricoles.
Les populations vulnérables aux effets des changements climatiques n’attendent que d’être impactées par des projets dans ce sens du développement durable. Et comme nous le souffle Bernard Davi, un maraicher à Fidjrossè : « parlons peu, agissons vite, sinon nous serons surpris par les conséquences, la famine ».
Fulbert ADJIMEHOSSOU
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