“je dis tout mon regret d’avoir fait un choix aussi difficile à une époque où il était très facile de faire fortune en créant juste un quotidien d’informations générales” dixit Joachim Saizonou
Dans
le cadre de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse,
votre journal agricole en ligne Zoom Agro a voulu faire un focus sur l’un des
précurseurs de la presse agricole au Bénin. Il s’agit de Joachim SAIZONOU,
journaliste promoteur de la revue Agri-Culture.
Zoom agro : Monsieur
Saizonou Présentez-vous
J.
S : Mon nom est Joachim N. Saizonou, historien comme formation de base, je
suis entré dans le journalisme suite à quelques stages au quotidien La Nation
en 1997 et 1998 dans le cadre de l’appui aux médias du secteur privé de la
Fondation Friedrich Naumann. J’ai fait par la suite d’autres diplômes de
spécialisation en Marketing et Communication.
En
mars 1999, j’ai créé le magazine Agri-Culture qui est paru régulièrement
jusqu’en décembre 2005. En 2006, j’ai rejoint l’équipe de l’Association
Interprofessionnelle du Coton (AIC) comme Chargé de communication, poste que
j’ai occupé jusqu’à la crise en 2012. Au passage, je suis auteur de l’ouvrage « la gestion interprofessionnelle de la
filière coton au Bénin » paru en 2015 aux éditions l’Harmattan.
Zoom agro : La presse
agricole, quelle est sa place dans le développement de l’agriculture au Bénin ?
J.
S : J’ai eu la chance de connaître et de côtoyer le doyen Jean-José
SEMONDJI du quotidien Ehuzu (du temps de la révolution) devenu La Nation après
la conférence nationale. Il était le seul spécialiste du secteur agricole à
l’époque. Il était déjà parti à la retraite bien longtemps avant que je me
lance dans le journalisme et ses papiers à l’époque ont fortement influencé mon
choix pour le secteur agricole.
Au
Bénin, la période 1990 à 2010 a été marquée par une effervescence politique
favorisée par le multipartisme né à la suite de la conférence nationale avec
son lot d’alternances au pouvoir sans compter les renouvellements successifs
des députés à l’Assemblée Nationale et des collectivités locales. Tout cela a
servi de terreau à l’émergence et au développement de nombreux quotidiens et
périodiques qui n’orientent leurs actions que sur la classe politique qui les
alimente en information croustillantes et surtout en ressources. Dans ce
contexte il n’y avait pas d’intérêt pour la presse agricole.
Le
magazine mensuel Agri-Culture est paru régulièrement pendant sept (7) ans sans
qu’il soit véritablement remarquable malgré qu’il soit le seul de la place. A
peine 100 exemplaires étaient vendus sur les 1000 imprimés chaque mois. Seules
les institutions actives dans le secteur agricole étaient abonnées. Les
agriculteurs eux-mêmes lui accordaient très peu d’importance faute de moyen
pour l’acheter même si le journal ne coûtait que 500 f. On peut aussi tenter de
mettre ça sur le compte de l’analphabétisme. Quelle que soit la cause, le
journal a fait faillite et on n’en parle plus.
A
l’époque, il ne manquait cependant pas de matières à communiquer. Les tiroirs
du ministère en charge de l’agriculture, des institutions de recherche, des ONG
actives dans le secteur sont pleins d’innovations techniques très peu connues
faute d’être diffusées. Le Ministère n’avait pas de budget pour la
communication encore moins les institutions du secteur. Au début des années
2000, il y a eu une tentative de correction avec Ministre Sèhouéto qui a créé
le service communication en lieu et place d’un simple attaché de presse. La
mission assignée à ce service jusqu’à ce jour est exclusivement la gestion des
médias, ce qu’on appelle dans le jargon technique presse book.
Dans
la réalité, ce n’était pas l’action attendue du Ministère. Il était nécessaire
de passer à la création d’une direction du marketing et de la communication qui
aurait ses démembrements dans toutes les directions départementales (les ex-CARDER).
Ce faisant, toutes les institutions du secteur auraient suivi l’exemple ce qui
permettrait chaque année une ligne communication dans les budgets. Avec un
budget exclusivement dédié à la communication, il y aurait la mise en œuvre de
véritables actions de communication sur les activités, les innovations et bien
d’autres choses. Nous avons raté le coach, mais il n’est jamais trop tard pour
bien faire. Si les prochains gouvernements peuvent corriger le tir, ce serait
au grand bonheur de notre économie puisque c’est la seule manière de promouvoir
la consommation des produits de chez nous. On clame trop facilement que le
béninois à des habitudes de consommation trop extraverties et c’est vrai. La
raison est toute simple, il connait très bien les produits importés qu’il
achète en magasin. Mais il a très peu d’information sur les produits made in
Bénin qu’on lui présente sans aucune communication autour et parfois même sans
étiquette preuve qu’il n’y a pas eu de contrôle de qualité. Le Béninois est
juste méfiant par ignorance. Pour lever le doute en lui, il suffit juste de le
sortir de cette ignorance.
Zoom agro : Comment
pensez-vous la spécialisation des journalistes dans le domaine de
l’agriculture ?
J.
S : Depuis 2010, les jeunes n’ont pas attendu que les gouvernants changent
de comportement. Les jeunes ont compris qu’il ne faut plus attendre l’emploi.
Il faut plutôt le créer d’où l’émergence de nombreuses initiatives dans divers
domaines : production, transformation etc. Les starts up dans le secteur
agroalimentaire ne se comptent plus du bout des doigts. Pour ces nouvelles
entreprises à la recherche de marchés, le marketing digital est une
opportunité. Les réseaux sociaux sont chaque jour inondés de produits
novateurs. Ils finiront par imposer au MAEP la nouvelle ligne de conduite si
les cadres actuels ne se mettent pas vite au pas. La plus grande institution de
recherche en Afrique : le CORAF a déjà créé sa plate-forme Web TV pour
diffuser les innovations. Qu’est-ce que l’INRAB attend ? Cela ne tardera
plus à prendre corps chez nous. Dans le nouveau contexte de la digitalisation, la
spécialisation s’impose dès lors que les institutions se trouveront dans
l’obligation de dégager les ressources conséquentes pour la communication.
Zoom agro : Votre mot de
fin M. Saizonou
J.
S : Pour finir, je dis tout mon regret d’avoir fait un choix aussi
difficile voire suicidaire à une époque où il était très facile de faire
fortune en créant juste un quotidien d’informations générales. Par finir j’ai
investi mes ressources propres pour éditer un ouvrage de capitalisation pour la
filière coton. Qu’en ont fait les responsables actuels de la filière ? L’ouvrage
n’a pas été lancé jusqu’à ce jour. Payé en monnaie de
singe, ce n’est pas trop dit …
Je dormirai moins bête ce soir. Belle interview
merci. Et merci de nous suivre sur zoom agro