Comment l’agriculture contribue à réchauffer le climat? Une meilleure gestion des sols agricoles aiderait-elle à refroidir la planète? A l’heure où le GIEC publie un rapport sur le sujet, seules des solutions complexes émergent, car la terre compte toujours plus de bouches à nourrir.
Quel rôle joue l’agriculture sur l’évolution du climat?
Si les hommes utilisent plus de 70% des terres émergées et non recouvertes par les glaces selon le GIEC, la production de nourriture utilise 37% de la surface (25% de prairies et 12% de cultures), hors Antarctique et hors pêche, selon un rapport du World Resources Institute (WRI) publié en juillet avec la Banque Mondiale et les organismes de recherche français INRA et CIRAD.
L’agriculture, la sylviculture,
l’élevage et les incendies émettent 23% des émissions de gaz à effet de serre
produits par l’activité humaine, selon le GIEC. Plus de 13% viennent de la
production agricole elle-même, et autour de 10% du changement d’affectation de
sols, lorsque forêts et savanes deviennent des champs (deforestation), selon un
calcul du WRI.
L’élevage est pointé du doigt avec les
émissions de méthane des bovins, mais surtout la déforestation qu’il induit
depuis le début de l’humanité.
Combien de personnes la planète devra-t-elle nourrir d’ici 2050?
Plus de 820 millions de personnes dans
le monde souffrent actuellement de la faim. Et la demande mondiale en
alimentation va augmenter avec la population, attendue à 9,8 milliards
d’habitants en 2050 contre 7,5 milliards aujourd’hui. La hausse du niveau de
vie devrait entraîner une demande accrue en viande, légumes et huiles
végétales.
A conditions stables de productivité, le
WRI a calculé qu’il faudrait 593 millions d’hectares de terres arables
supplémentaires pour nourrir cette population, ce qui n’est pas soutenable. Le
GIEC souligne qu’il faut aussi lutter contre le gaspillage alimentaire, car
“25 à 30%” de la nourriture produite est “gaspillée ou perdue”.
Que peut faire l’agriculture pour réduire le réchauffement?
L’agriculture est à la fois victime, coupable, mais aussi partie de solution au réchauffement.
Pour le WRI, il faudrait rendre à la
forêt une bonne part des zones d’élevage de ruminants, afin de réduire les
émissions en capturant plus de carbone, et augmenter les rendements pour
arrêter d’étendre les surfaces cultivées, souligne Patrice Dumas, spécialiste
de l’économie de l’environnement au CIRAD et modélisateur du rapport du WRI.
Il admet que ce choix radical, qui fait
la part belle à l’agriculture industrielle, aurait des impacts négatifs sur
l’environnement et la santé (plus de pesticides).
Ces conclusions sont contestées par les tenants de l’agro-écologie et de l’agro-foresterie à la FAO et les ONG comme Oxfam: ils misent sur une agriculture familiale et des mélanges d’activités –l’élevage pouvant avoir un impact positif notamment dans des zones montagneuses ou désertiques– pour recréer des écosystèmes agricoles durables.
Les prairies utilisées par l’élevage
ont, d’ailleurs, un rôle positif reconnu pour le climat: elles sont classées
parmi les meilleurs stockeurs de carbone dans les sols, avec les forêts, selon
l’INRA.
L’érosion des sols agricoles contribue-t-elle au réchauffement?
Oui, et le réchauffement accélère
l’érosion aussi: l’érosion des sols par le labour, utilisé depuis des
millénaires pour oxygéner la terre, dépasse de 10 à 100 fois le taux de
formation de nouveaux sols, selon les experts du GIEC. Mais le changement
climatique lui-même “exacerbe la dégradation des terres notamment sur les
côtes, dans les deltas, les zones sèches et dans le permafrost”.
“Dans les endroits trop travaillés,
lorsqu’il n’y a plus de réserve de sol, et que la roche-mère apparaît après des
centaines d’années de charrue, il y a moins de transpiration de l’eau, et moins
d’eau libérée dans l’atmosphère”, explique Paul Robert, ingénieur français
qui a créé en 2018 la société Novalis Terra pour former agronomes et
responsables de coopératives.
“Des régions australiennes qui
étaient vertes il y a 200 ans sont aujourd’hui désertiques à cause de
l’agriculture”, selon lui. Au Sahara, le projet de reboisement de la
“ceinture verte” sert à lutter contre l’avancée du désert en créant
des micro-climats locaux pour essayer d’inverser la tendance.
“Ce qui est désastreux, ce sont les
sols nus” qui favorisent les ruissellements, tassements et/ou déplacements
de terrain, ajoute l’ingénieur.
L’agriculture “de conservation des sols”, une solution?
L’agriculture de conservation des sols (ACS), largement utilisée aux Etats-Unis et au Brésil, est un système de culture qui permet au sol d’augmenter sa matière organique, d’améliorer sa fertilité, et de limiter l’érosion, en utilisant la nature et en ne laissant jamais les sols nus.
Elle requiert l’abandon du labour, la
plantation de cultures intermédiaires comme les légumineuses porteuses d’azote
pour enrichir le sol. Mais au moins une fois par an, elle nécessite un
désherbant chimique de type glyphosate pour implanter une culture en semis
direct sans labour.
L’INRA ne se prononce pas sur ce type d’agriculture en tant que tel, mais soutient les pratiques qu’elle induit: couverts végétaux, haies, réduction des intrants chimiques et semis direct, précisant que ce dernier est efficace seulement en climat sec. La rotation des cultures est aussi un impératif contre les dégâts des monocultures sur la biodiversité.
Isabel MALSANG
Lire l’article sur le site de Tv5 monde
[…] un monde à plus de 1,5 °C, le changement climatique affectera fortement le secteur agricole. La baisse de rendement sera plus importante à + de 2°C, notamment en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud-Est et […]